Foncier : AFAFE
Aménagement Foncier Agricole, Forestier et Environnemental
D’où vient l’AFAFE ?
L’Aménagement Foncier Agricole, Forestier et Environnemental (AFAFE) n’a plus grand chose à voir avec son lointain ancêtre que l’on appelait «remembrement». Terme aujourd’hui banni par le code rural, changé en Aménagement Rural puis en Aménagement Foncier Agricole et Forestier (AFAF) vers les années 2000, pour s’y voir rajouter une fonction déterminante une quinzaine d’années plus tard avec la lettre E pour Environnemental.
Ce dernier ajout achève de changer la donne car à l’opposé de son aïeul «remembrement» qui voulait mettre en avant une agriculture productiviste et nourrir la France de l’époque, ses objectifs sont maintenant clairement orientés pro-environnement.
Concrètement qu’est ce qu’un Aménagement Foncier Agricole, Forestier et Environnemental ?
C’est un redécoupage et une redistribution des parcelles cadastrales à l’échelle communale ou intercommunale qui permet de regrouper et de restructurer des propriétés foncières, principalement agricoles, qui étaient morcelées et disséminées.
C’est une procédure de refonte complète de la propriété avec relevés et bornage de toutes les parcelles agricoles, boisées, mais aussi de plus en plus, des villages et des centres-bourgs. Il n’est pas rare que cette opération s’étende sur 5 -6 ans.
A quoi sert un Aménagement Foncier Agricole, Forestier et Environnemental ?
Basé sur un principe de développement durable, l’objectif principal reste d’améliorer les conditions d’exploitation des agriculteurs afin de retrouver un outil productif limitant leurs déplacements, facilitant leurs accès aux champs et réduisant leurs temps de gestion.
Le but de l’Aménagement Foncier ne s’arrête pas là car il vise également :
• à préserver des corridors écologiques,
• prévenir les risques incendie en forêt,
• protéger et gérer l’hydraulique (gestion des eaux, prévention des inondations),
• conserver ou reconstruire des zones de protection de la faune et de la flore,
• mettre en valeur le patrimoine naturel et bâti de la commune.
L’Aménagement Foncier est également l’occasion de redessiner, lier et boucler les chemins de randonnées ou de VTT, desservir toutes les parcelles qui étaient enclavées.
À qui appartient le four situé au centre du village ? Finis les conflits sur les communs du village, tout comme sur les parties privées, car tout le cadastre de la commune est remodelé, juste au cm, borné sur tous ses côtés, avec de nouveaux titres de propriétés distribués.
Comment un Aménagement Foncier Agricole se met il en place ?
La mise en œuvre d’un Aménagement Foncier Agricole, Forestier et Environnemental relève de la compétence du Conseil Départemental.
C’est lui qui lance donc l’appel d’offre et en restera le maître d’ouvrage mais l’initiative provient régulièrement des communes qui sollicitent le Conseil Départemental.
Très souvent la demande initiale émane des exploitants agricoles et la commune relaye celle-ci auprès du Conseil Départemental. Ce dernier lance alors en fonction des priorités de nombreuses études d’aménagement (Ancienne pré-études) pour vérifier le bien-fondé des demandes.
Étude d’aménagement
[Anciennement Pré-étude de l’Aménagement Foncier]
Les Aménagements Fonciers Agricoles Forestiers et Environnementaux étant des opérations longues et économiquement lourdes, une Étude d’Aménagement (anciennement «pré-étude») est initiée pour établir au préalable un diagnostic foncier, agricole et environnemental.
Rencontres sur le terrain avec les acteurs locaux, enquêtes publiques et diagnostic des exploitations vont nourrir le débat du volet agricole : Les agriculteurs sont-ils demandeurs ? Estimations des échanges possibles pour le milieu agricole, capacité suffisante du nombre d’exploitations, estimation des travaux connexes etc…
Autant de questions qui seront étudiées pour déterminer la pertinence de cet Aménagement Foncier.
Le bureau d’étude retenu pour cette étude d’aménagement rend compte au fur et à mesure de son avancement, qui se déroule sur environ deux ans, auprès d’une commission communale ou intercommunale d’aménagement foncier (CCAF/CIAF).
Vers la fin de l’étude, un plan «périmètre» est engagé pour définir les limites futures de l’Aménagement Foncier. Généralement celui-ci s’étend sur la commune, parfois sur les communes limitrophes pour intérêt intercommunal, passage de route, voies ferrées, canaux…
Au final, Le Conseil Départemental prendra en compte l’avis consultatif de cette commission pour décider de la nécessité d’un Aménagement Foncier ou non.
Phase opérationnelle de l’Aménagement Foncier
C’est parti, le Conseil Départemental a ordonné l’ouverture de l’Aménagement foncier. Plusieurs études et actions vont donc être menées de front : Études environnementales (étude d’impact, études des espèces protégées) et relevés, rencontres avec les exploitants et propriétaires. Sur le volet agricole, le classement des terres* et des bois représentera une phase importante.
Avant-projet
Une fois les terres classées, un plan est réalisé avec des parcelles «coloriées» selon leur valeur qui servira de base pour y superposer l’avant-projet du nouveau parcellaire à venir.
Il est temps alors de partir en discussion pour organiser les échanges entre terres agricoles en tenant compte des problématiques d’accès aux parcelles, de chemins, d’hydraulique, de respect ou de reconstruction des zones de protection de la faune et flore, des travaux connexes à prévoir, etc…
Les rencontres individuelles sur le terrain feront remonter les attentes de chacun.
Tout cela s’étale dans le temps et nécessite de présenter les travaux au fur et à mesure lors de réunions de la Commission Communale d’Aménagement Foncier afin de valider les avancements.
Cette commission est composée d’agriculteurs locaux, de propriétaires, de représentants de la Chambre d’Agriculture, du Conseil Départemental, d’élus locaux, du cadastre, d’associations et organisations environnementales et est validée par le président du Conseil Départemental.
C’est elle aussi qui examine les réclamations des propriétaires reçues lors d’une enquête publique.
En cas de mésentente persistante, l’intérêt général prévaudra. Si le propriétaire n’accepte toujours pas, il peut alors en appeler à la Commission Départementale d’Aménagement Foncier (CDAF). En dernier recours il peut se pourvoir auprès du tribunal administratif.
Le projet
Toutes les réclamations faisant suite à la consultation sur l’avant-projet ont été entendues et résolues. Le plan de redécoupage parcellaire et des travaux connexes est maintenant entièrement validé par la Commission Communale d’Aménagement Foncier.
C’est au tour de La MRAE (Missions régionales d’autorité environnementale) de donner un avis favorable ou défavorable au projet. L’étude d’impact et les travaux connexes prévus sur cet aménagement foncier seront examinés de près : plus question aujourd’hui d’araser un talus sans le remplacer ou de faire disparaitre une haie sans avoir prouvé derrière qu’elle ne servait pas à abriter une espèce spécifique.
L’intérêt environnemental est très présent dans ces études et est aussi important que l’intérêt agricole.
Cet avis requis, l’enquête publique sur le projet peut démarrer. Elle permettra à chaque personne de venir s’exprimer sur le projet, le consulter et éventuellement de porter une réclamation devant la CCAF, puis la CDAF au besoin et pour finir en dernier recours le TA.
L’avis de la MRAE influencera hautement la décision du Préfet pour prendre ou non son arrêté de clôture de l’opération. Cet arrêté, combiné avec celui du Président du Conseil Départemental, mettront un terme à cette phase projet.
Le transfert de propriété se fait alors en relation avec le service de la publicité foncière (SPF) concerné : tous les anciens titres de propriétés font place aux nouveaux titres selon les échanges prévus.
Tout le cadastre est revu : de nouvelles sections et de nouveaux numéros sont redistribués et même les parcelles sans échanges sont concernées si elles sont à l’intérieur du périmètre.
*Classement des terres
Détermination de la valeur
Le classement des terres est le point de départ de la procédure de l’Aménagement Foncier.
Pour échanger équitablement des parcelles il faut en premier lieu établir leur valeur, non pas en Euro mais en points de valeur de terre.
Au début, des parcelles dites “témoins” servent de base pour juger les autres parcelles lors des visites de terrains.
Validée par la commission d’aménagement foncier, ces parcelles témoins servent de point de départ pour juger les autres parcelles.
La terre est-elle pentue, bien exposée, caillouteuse, noire ou pas etc… Autant de critères non exhaustifs, qui aideront à déterminer une valeur étalon à l’échelle du périmètre défini : pendant un mois ou plus, selon la superficie, les différents secteurs sont parcourus avec les agriculteurs locaux et des membres de la CCAF afin de procéder par méthode dichotomique à la désignation de la meilleure terre du périmètre.
La valeur globale de la propriété peut alors être évaluée de manière impartiale en multipliant la surface de la parcelle par sa valeur de terre, de bois, de prés ou de landes.
Les catégories
La terre de première classe désignée T1 bénéficiera ainsi d’un quota de 10000 points à l’hectare. Ce quota sera dégressif sur les terres T2, T3 etc jusqu’à T8.
Le principe va de même pour les forêts et les bois où l’on distingue 3 catégories :
B1 feuillus,
B2 résineux,
B3 taillis
… et les prairies qui vont de
P1 Pré possible pour remettre en culture
P2 Pré difficile à remettre en culture
à P3 Marais, zone humide.
2nd type d’Aménagement Foncier : l’ouvrage d’art
Un passage d’ouvrage d’art (voie ferrée, autoroute ou 4 voies, canal etc…) aura un sérieux impact sur l’environnement et sur l’agriculture par son emprise et son passage à travers champs.
Pour réaliser ces ouvrages, la manière la plus simple est de diviser, acquérir les parcelles nécessaires en expropriant les propriétaires sous l’emprise. Tout le passif du lieu est alors ignoré, malgré les études d’impact. L’aspect humain et environnemental y est souvent perdant. C’est une procédure efficace, mais brutale pour les populations et difficile à vivre pour les élus aussi.
La manière plus complexe, mais tout aussi efficace est de procéder à un AFAFE article 10, comme on dit dans le jargon.
En effet, une parcelle coupée en deux par une route peut entrainer de grosses difficultés pour l’exploitant voulant amener paître son bétail. Comme vu précédemment dans le cadre d’un aménagement foncier communal, les échanges organisés permettent d’éviter ces difficultés.
L’échelle de l’impact n’est plus simplement communal mais s’étend sur toutes les communes traversées. Le déroulement de la procédure reste identique : une étude d’aménagement est menée pour juger de la pertinence d’un Aménagement Foncier et la Commission Communale devient Intercommunale (CIAF).
Cet Aménagement Foncier ne se contente pas de quelques mètres autour de l’ouvrage mais dessine un périmètre beaucoup plus large : il n’est pas étonnant de voir un projet de 200 hectares d’emprise aboutir sur un périmètre de 3000 hectares à réamanéger.
Les terrains appartenant à la SAFER*, au Conseil Départemental ou aux communes peuvent ainsi être ajoutés dans la balance des échanges et minimisent par conséquent l’impact tout en profitant au regroupement et à la réhabilitation des exploitations et à la préservation au mieux des paysages.
L’Aménagement Foncier est donc un très bel outil pour limiter l’impact de ces ouvrages et évite aux propriétaires et exploitants agricoles d’être spoliés, sans possibilité de ré-agencer leurs exploitations et propriétés.
* La SAFER : societé d’amenagement fonciere et agricole
Cette société, présente dans chaque département Français, est le garant du secteur agricole. Elle possède un grand nombre de terrains et les loue aux agriculteurs. C’est elle, qui préempte ou exerce son droit de veto lors de la vente d’un terrain agricole afin de le conserver à vocation agricole.
Aménagement Foncier, l’agrément
Peu d’élus
Seuls les Géomètres-Experts agréés par le Ministère de l’Agriculture peuvent répondre à un appel d’offre d’Aménagement Foncier Agricole, Forestier et Environnemental.
En France, le pourcentage de Géomètres-Experts agréés reste faible puisqu’il avoisine les 5 %. En Bretagne, en 2021, seuls 2 Géomètres-Experts, dont David Nicolas, possédaient cet agrément. Un 3e Géomètre-Expert, Xavier Nicolas, est en cours d’agrément.
Comment obtenir l’agrément AFAFE
Pour obtenir cet agrément il faut monter une opération test. Sous l’égide d’un Géomètre-Expert responsable du marché, le Géomètre-Expert «apprenti» joue alors le rôle de chef de mission. Il devra alors monter et suivre une opération complète d’Aménagement Foncier en passant par toutes les procédures de A à Z.
Lorsque l’ensemble des phases de l’avant-projet est abouti et qu’il aborde le projet lui-même, il pourra demander à l’Ordre des Géomètres-Experts d’être entendu par sa commission d’Aménagement Foncier. Cet examen, piloté par un président de commission lui même agréé, sera l’occasion pour «l’apprenti» de démontrer ses connaissances et sa complète implication dans l’opération.
A l’issu de cet échange, la commission émettra un avis favorable…ou défavorable. Selon cet avis, le Ministère de l’agriculture entérine alors ou non l’agrément.
Quelles qualités pour un Aménagement Foncier ?
Là encore, la pluridisciplinarité du cabinet de Géomètre-Expert sera mise en avant. Outre l’agrément spécifique du ministère de l’agriculture et toutes ses compétences techniques, le Géomètre-Expert et toute son équipe devront être plus particulièrement attentifs à la partie humaine.
Demander à un agriculteur qui connait bien son bocage de «lâcher» un terrain pour en accueillir un autre nécessitera beaucoup d’écoute, de bonne compréhension des valeurs locales et de diplomatie.
Être du crû, tout du moins à l’échelle de la région, permet de bien identifier les problématiques récurrentes et les mentalités.
Même en ayant l’agrément, notre cabinet breton de souche se voit mal aller réaliser un aménagement foncier par exemple dans le milieu viticole du Bordelais. A moins d’une collaboration avec un confrère ou consoeur local, les frais de déplacements seraient également à prendre en compte et ne permettraient vraisemblablement pas d’effectuer l’intégralité des rencontres des acteurs locaux. Travailler dans ce cas majoritairement sur plans, photos aériennes, réunions est un palliatif qui induira à coup sûr un plus grand nombre de réclamations.
Il est certain qu’une meilleure concertation entraine une négociation plus adéquate et au bout du compte une meilleure application de l’Aménagement Foncier.
Rajoutons enfin qu’un chef de mission local se sentira d’autant plus impliqué dans un projet qui préservera l’environnement proche dans lequel lui et sa famille vivent.
Pour compléter votre lecture sur le foncier :
Si vous désirez en savoir plus, n’hésitez pas à